L'économiste Jacques Mistral vient de publier pour l'IFRI (Institut français des relations internationales) une étude de 40 pages intitulée La réorientation de la croissance chinoise ; sa logique, ses enjeux et ses conséquences. Pour les économistes, tout ce qui touche à la Chine est primordial. Les États-Unis et l'Europe sont tellement affaiblis et acculés par les banques d'affaires qu'ils flippent à la moindre déclaration d'un ministre chinois. Le vice-Premier ministre Wang Qishan pour ne citer que lui !
L'obligatoire transition économique de la Chine
Jacques Mistral se veut optimiste : pour lui (et comment ne pas lui donner raison ?), craindre la Chine n'est pas la meilleure solution pour instaurer de saines relations politico-économiques. Le cœur de l'étude Jacques Mistral est de montrer que, comme les autres pays, la Chine n'est pas un bloc monolithique capable de faire la pluie et le beau temps sur l'économie mondiale... Du moins, pas sans se remettre en cause et évoluer. Jacques Mistral explique que la Chine a également été touchée par la dernière crise mondiale mais qu'elle a très vite su rebondir. L'Empire du Milieu effectue actuellement sa transition économique, jugée nécessaire. Qu'elle est-elle ? Explication :
On désigne ainsi le passage d’un modèle de croissance mercantiliste, tiré par l’investissement, les exportations et des excédents commerciaux gigantesques, à un modèle de croissance endogène reposant sur la progression de la demande intérieure, plus respectueux des enjeux environnementaux et induisant des relations plus équilibrées avec ses partenaires commerciaux [...] Il ne s’agit rien moins que de transformer les structures de consommation et de production, les mécanismes de distribution du revenu et donc le marché du travail, la structure sociale et sans doute aussi, finalement, les structures politiques.
Voilà l'idée centrale de l'étude de Jacques Mistral. S'ensuit cinq chapitres sur la transformation de la mondialisation par la Chine ; la double réorientation de la croissance chinoise (la stabilité sociale et le rattrapage technologique) ; les risques et dilemmes de la nouvelle croissance ; le climat des affaires et les stratégies d'entreprises ; et enfin, le renmibi, une monnaie entre deux systèmes.
L'Europe et le "pari chinois"
Comme l'écrit Jacques Mistral, "la mondialisation, la crise, l’émergence de la Chine : ce ne sont pas des hypothèses, mais des faits face auxquels l’Europe, la France en particulier, ses entreprises plus concrètement, doivent faire des choix décisifs". La Chine est d'ailleurs actuellement le premier fournisseur de l'Europe. Cette dernière doit donc profiter de la mutation économique chinoise pour l'accompagner et nouer des relations saines et amicales.
C'est ainsi que la conclusion de Jacques Mistral s'adresse plus aux Européens qu'aux Chinois : "la seule chose dont nous ayons à avoir peur vis-à-vis de la Chine, c’est de ne pas savoir nous-mêmes ce que nous voulons faire de notre avenir". Une bonne question à laquelle ne sont pas prêts de répondre les seconds couteaux rouillés et émoussés de l'Union Européenne, en particulier de la France.
Nous, Européens, sommes presque assommés par le spectacle de nos faiblesses, les divisions et rivalités internes, l’enlisement dans une croissance au mieux modeste, le processus chaotique par lequel il faut passer pour trouver une issue à la crise des dettes souveraines. Il nous faut rebondir, c’est ce qu’attendent nos partenaires chinois, faute de quoi ils nous feront en effet basculer du mauvais côté de leur histoire. Mais ce n’est pas encore le cas, loin de là, car, vu de Pékin, l’avenir de la scène mondiale n’est rien moins que transparent et l’Europe est loin d’être marginalisée : elle reste une puissance économique et, plus important, un élément de stabilité dans un monde en voie de multipolarisation.
Au fond, la leçon de cette enquête est assez simple. La réorientation de la croissance chinoise est l’un des paramètres qui déterminera l’avenir de l’économie mondiale, son succès n’est pas garanti à 100 %, les risques sont élevés. Pourtant, même si l’avenir de la Chine est bourré d’inconnues, il faut faire le pari chinois. Paradoxalement, ce n’est pas le parti le plus difficile à prendre. Puisqu’il s’agit d’établir une relation adulte avec la Chine, ce dont nous devons avoir conscience, c’est que les clés sont dans notre main : la seule chose dont nous ayons à avoir peur vis-à-vis de la Chine, c’est de ne pas savoir nous-mêmes ce que nous voulons faire de notre avenir.
Lire l'étude intégral de Jacques Mistral : La réorientation de la croissance chinoise ; sa logique, ses enjeux et ses conséquences.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire