Le Figaro du 5 avril 2011 a publié un entretien croisé entre Jacques Attali, la pythie de l'économie contemporaine, et Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes et conseiller du directoire de la Compagnie Financière Edmond de Rothschild depuis 2000. Tous les deux publient leur nouvel ouvrage : Demain, qui gouvernera le monde ? pour Jacques Attali (un plaidoyer même pas déguisé pour une gouvernance mondiale, on commence à connaître l'antienne), et Le Fabuleux Destin d'une puissance intermédiaire pour Jean-Hervé Lorenzi (la "puissance intermédiaire" étant, bien sûr, la France).
Le meilleur moment de l'entretien est sans conteste les réponses d'Attali et de Lorenzi à la question : "Comment la France peut-elle se maintenir au rang de puissance qui compte dans la mondialisation ?" Jean-Hervé Lorenzi soulève deux thématiques essentielles pour sortir la France de son marasme. On ne peut que l'approuver sur le point crucial du conflit intergénérationnel et du captage du pouvoir et de l'argent par une mafia de gérontocrates illégitimes qui étouffe le pays. Même Honoré Balzac n'imaginait pas un tel réseau de kleptocrates pourrissants et pourrisseurs. Stendhal, un peu plus.
Rarement nous avons été confrontés à une telle difficulté de politique économique. Il nous faut nous attaquer à la réduction de la dette publique, ce qui arithmétiquement constitue une baisse du pouvoir d'achat moyen. Celle-ci doit donc être compensée au moyen d'une réforme fiscale juste et associée à une vraie réforme de l'État [...] Par ailleurs, nous devons résoudre un vrai conflit intergénérationnel. Notre génération a capté l'argent, le pouvoir, les emplois. Il faut par tous les moyens essayer de favoriser des transferts normaux entre générations et ouvrir le marché du travail à la génération montante dans des conditions équivalentes à celles que nous avons connues. Il n'est pas normal qu'un jeune diplômé qui postule pour un simple stage de quatre mois soit obligé de passer cinq entretiens successifs ; ni que deux tiers de nos jeunes soient recrutés en contrat à durée déterminée ; ou que 150 000 jeunes sortent de l'école secondaire sans la moindre qualification.
Jacques Attali souligne quant à lui l'importance de développer une économie "de profit et de justice sociale" et la francophonie, propre à perdurer un semblant d'éclat français dans le monde.
La France doit basculer de l'économie de la rente (éducative, foncière, culturelle, de pouvoir, de classe sociale) à l'économie de profit et de la justice sociale. Si l'État ne se réforme pas, les talents partiront. La France, comme tout autre pays ou comme toute ville, doit se comporter comme un hôtel, c'est-à-dire un pays ouvert, attractif aux idées, aux gens, aux investissements . Mieux, elle doit aller chercher les gens de talent de tous les pays. Non pas nécessairement les bac + 5, mais tous ceux qui ont de l'énergie, qui ont envie de travailler, de créer. Pour moi, l'avenir de la France passe en particulier par la francophonie. La langue française est la seule dont le nombre de locuteurs va être multiplié par quatre en quarante ans grâce à l'Afrique. C'est un outil fantastique, surtout au moment où l'Afrique va devenir une grande puissance économique.
« Dès qu’il dépasse 60-65 ans l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte cher à la société. La vieillesse est actuellement un marché, mais il n’est pas solvable. Je suis pour ma part en tant que socialiste contre l’allongement de la vie. L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures. »
RépondreSupprimerExtraits de Jacques Attali, L’avenir de la vie, 1981