René Cagnat, ex-Consul Honoraire de France à Bichkek, spécialiste de l'Asie Centrale et chercheur associé à l'IRIS, vient de publier la note "Kirghizistan : ne pas tuer la poule aux œufs d’or !". Alors que le Kirghizistan a connu un renversement violent du Président Bakiev et de son gouvernement en avril 2010, René Cagnat se demande si le pays pourrait connaître une nouvelle révolution, comme c'est actuellement le cas en Tunisie et en Égypte. Selon René Cagnat, tout inégalitaire soit-il, le système kirghize peut tenir grâce... à son économie souterraine ! Autrement dit à l'économie mafieuse !
En effet, "le spectacle donné aujourd’hui par le peuple kirghize révèle que, par son économie souterraine, il a trouvé un équilibre qui, si précaire soit‐il, pourrait lui permettre d’échapper, sinon aux désordres, du moins à l’effondrement". Au programme, trafic de drogues (héroïne et cannabis), d'humains, d'armement, de fourrures, d'oiseaux rapaces (!) et de métaux précieux. Extraits :
Dans la société kirghize actuelle chacun y va de son petit trafic, plus ou moins clandestin, organisé souvent au niveau clanique ce qui assure la discrétion. Cela aboutit à une richesse considérable. Alors que le PIB kirghize, témoin de l’économie de surface, ne dépasse pas en 2010 4 milliards de $, la valeur de ce qui transite ou part du Kirghizistan atteindrait, selon un document officiel circulant sous le manteau, le montant de 100 milliards ! Bien entendu, les barrages édifiés aux frontières s’ouvrent devant le pouvoir corrupteur de l’argent. Le bénéfice tiré au Kirghizistan de ce « négoce » serait légèrement inférieur, voire égal à son PIB. L’économie de l’ombre – ou économie parallèle ‐ indépendante et non soumise à l’impôt, ferait donc aujourd’hui jeu égal avec l’économie officielle !On comprend, dans ces conditions, l’abondance des voitures haut de gamme à Bichkek et pourquoi cette capitale fonctionne normalement dans un pays censé être en perdition. L’avantage pour le Kirghizistan de ce pactole est qu’il se redistribue vaille que vaille dans la société. Grands, petits et semi-mafieux kirghizes ont en effet tendance à réinvestir – ou blanchir ‐ dans leur pays une part de leurs revenus supérieure, par exemple, à celle que les Russes réutilisent chez eux. Ce réinvestissement est souvent très maladroit et assez improductif (restaurants et boutiques de luxe, résidences kitsch, maisons de jeux, etc), mais il donne du travail aux plus pauvres. Ainsi, une économie qui devrait sombrer se maintient‐elle, en définitive, pendant qu’il éteindre ou orienter les velléités révolutionnaires.
Site personnel de René Cagnat
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